Sade ne pose que la question du désir et de la jouissance,
sans se soucier du principal apport civilisationnel, qui pourtant lui a permis
de justifier son entreprise : le sentiment. Cet apport là, cet être à part
entière, ne nous différencie pas forcément des animaux pour autant. Car
l’affectivité est le signe de la vie, sa condition. Rien de ce qui oblige
l’homme à la démesure n’est rationnel, mais la nature l’est. La nature est un
creuset où l’homme ou l’animal tentent de s’affranchir de leur condition purement
primale. La nature les incite à se dépasser, et cette forme de survie est un
apaisement de la pulsion, une manière de réfréner les désirs selon une satiété
supérieure, transcendante. Cette satiété là, précisément, annule toute la
conscience solitaire de Sade, qui n’est qu’un dérèglement face à l’infini qu’il
a ouvert.
L’infini à vrai dire, n’a pas sa place dans une manière de
réduction de la vie à une seule de ses possibilités.
Le pauvre Sade avait l’éjaculation douloureuse, ce qui fait
qu’au lieu d’avoir un bel orgasme il éprouvait une forte douleur. Que
l’impossibilité de jouir substituée à une douleur épouvantable est été le lot
de Sade explique bien des choses.
Ah qu’on me dise que je ne suis pas apte à parler de
l’éjaculation douloureuse de Sade parce que je n’y connais rien ! Mais
messieurs l’éjaculation se fait indifféremment à un, deux ou plusieurs. Ce
n’est toujours que le même principe. Qu’une main agite le sexe ou que ce soit le
vagin d’une femme, le résultat est le même. D’un point de vue purement
bouddhique, il n’y a là aucune différence. Je serais même tenté de dire que les
moyens de la solitude sont toujours les meilleurs, et la finalité incomparable.
Jouissez sans entrave disent certains : je ne fais que cela moi, jouir
sans entrave, libéré des contraintes et artifices sociaux, des croyances
communes, comme le divin Diogène,
remportant la victoire sur tout, vraiment libre.
On nous pose la question de l’immanence et de la
transcendance, mais chaque homme est fait de ces deux choses. Et personne,
quelques soient ses prétentions, ne serait en mesure de savoir de quel côté il
penche. Les cas sont souvent contraires : l’immanent est dans une bulle où
il croit connaître la vie et ses passions, et le transcendant a des tendances
purement animales.