dimanche 10 décembre 2017

Création


La création poursuit un délire. Dans son essence, elle a une vérité qui lui est propre, humaine. Tout d’abord elle s’affranchit de la morale, ainsi elle poétise le monde. Elle fait surtout l’effort de ne pas s’en tenir à des vérités établies. Elle les abolit tout en restant lucide, alerte. Elle arrive alors au terme de la vérité, comme un symbole déchiffré. Symbole non plus universel mais singulier. Le lecteur pénètre le symbole à travers une longue clairière qui lui a ouvert la voie. Il n’a pas perdu de temps pour entrer en communication avec le symbole, il n’a pas subi l’indifférence du monde.

jeudi 7 décembre 2017

Elément féminin


La poésie est nécessairement féminine. La femme laisse entrer le monde en elle. La femme reçoit les pistils portés par le vent. Elle les sent et elle jouit. De manière générale, la femme ne fait que recevoir, l’homme expulse. La femme reçoit le monde, l’homme. Elle sent tout le condensé avec une capacité de dissolution sans pareille qui fait sa force. Cette action de poétiser le monde et de le transformer ne s’arrête pas là. Car ce qu’elle reçoit, ou transforme, est en fait la naissance du monde, la petite enfance, la vérité première. Elle en est le seul témoin. Son témoignage est poésie. Sa transformation est ressourcement, résurrection.

samedi 2 décembre 2017

Origines du spirituel


Les rites funéraires sont la première apparition de la spiritualité dans les civilisations archaïques. Avant de penser le monde, de l’analyser, une fois le minimum vital à leur portée, les hommes ont commencé à bâtir des tombeaux, à sanctifier la mort. Ils ont, impuissant face à la finitude, défié la mort en créant la mémoire des morts, la demeure des morts.
La quête d’immortalité est la deuxième source de spiritualité du monde primitif qui a explosé aujourd’hui avec la science. Non seulement nos ancêtres ont conjuré la mort, mais ils ont voulu la braver. Ces deux choses pourtant, sont impossibles, et c’est cette impossibilité même qui a fait la force et la beauté des hommes. L’infantilisation où nous évoluons actuellement tient au fait que nous pensons en avoir terminé avec ce qui fait l’homme. Je ne m’attarderais pas sur l’ineptie de cette position qui coutera extrêmement cher à l’homme, mais je me réjouis sincèrement de la punition et de la révélation qui lui succèdera quand et si il aura retrouvé la raison.

mercredi 29 novembre 2017

Diogène


Diogène, c’est le dialogue intérieur (je dis bien dialogue et pas monologue), la pensée qui se fabrique en marchant, puérile, infantile, avec un goût de folie morale qui la préserve. Aucun des gueux qui s’y réfèrent aujourd’hui n’a véritablement percé ce mystère. La petitesse et la folie du dialogue sont une persévérance morale. Ringarde, ridicule, cette folie amène à soi dans les moments d’apathie, elle est la seule garante du bonheur, du moi qui redouble. L’autosuffisance de cette manie est calquée sur la nature, sa nature, qui à chaque moment est acceptée, étudiée, préservée. En accordant à soi toutes les nuances de l’être on acquiert sa nature entière. Le ridicule n’engage que soi, il aime à s’écarter de la bien-pensance, du paraître, de la lente dégradation du moi qui n’est pas écouté. Diogène se préserve, comme un animal qui ne se soucie pas du regard des autres.

jeudi 23 novembre 2017

Progrès


Le progrès est nécessairement la cause de la dissipation de la culture. Dissipation qui, sans cesse croissante, en vient à l’asphyxier, jusqu’à ce que, par définition, l’homme ne puisse plus respirer. Les causes de son malheur, au-delà de son refuge dans l’irréalité, le cloisonnement des riches, lui sont pourtant assez floues. L’ironie du sort étant que l’on propose comme solutions à ce malheur l’accroissement de ses causes mêmes : le progrès. Le malheur prend alors un caractère double : l’homme est non seulement lentement déraciné, mais qui plus est balayé par le vent du progrès qui lui empêche d’y voir clair.

samedi 4 novembre 2017

Anciens, culture, longévité


La longévité est certainement l’alibi du progrès. Tout le monde, dans l’état actuel des choses, même s’il a à se plaindre, voudrait vivre plus longtemps, quitte à saborder nombres de principes qui sont bons pour l’homme. Les philosophes de l’antiquité s’intéressaient à ce qui est bon pour l’homme en général, et jusqu’ici, ce fait été mis en avant jusqu’à ce que la science et le progrès atteigne un seuil qui est venu corrompre la vie de l’homme. Notre longévité, notre rapport à la mort a changé. En quelque sorte, il nous tient en tutelle, et nous savons que nous portons atteinte à l’homme et la culture, mais ceci est toujours repoussé par la formule, « jusqu’ici, ça va ». Les anciens s’intéressaient d’avantage à l’avenir et au passé. Mais aussi, l’homme du vingt et unième siècle regrette un passé qu’il a connu. Tous à peu près veulent la même chose, même s’ils s’affrontent. Mais tous savent qu’ils sont responsables de ce qu’ils regrettent. Ils regrettent le passé, mais ils ont tué le culte des anciens, le culte de l’histoire.

mardi 10 octobre 2017

Hesse


Le problème majeur de Hesse n’est pas nécessairement l’impossibilité qu’il a eu de s’extraire de lui-même. Au contraire, je dirais qu’il n’a eu de cesse de se dépasser à tel point qu’il n’était plus lui-même, mais oublié dans une prose spirituelle qui ne tenait pas compte de lui. Il a menti en quelque sorte, sur son moi. La vision du monde qu’il pose n’a pas de chair, rien n’est vraiment littéraire, tout est conté. On s’ennuie même si on est enthousiaste à le lire. Hesse s’est trahi sur ce point : il renie son sujet dans tous ses livres, il ne parle que de sa représentation.

samedi 7 octobre 2017

Méditation



La méditation bouddhique est une véritable entrée dans le néant chez ceux qui l’utilisent comme un moyen pour oublier le monde, la vie, l’homme. Oublier, ou plutôt stériliser les forces de la vie par la méditation est pourtant une mauvaise interprétation du bouddhisme, car elle permet, elle se devait à l’origine de faire remonter à la surface des révélations sur la vie, l’homme, le monde, en se débarrassant du superflu, et non en anéantissant l’essentiel. Or ces nouveaux penseurs bouddhiques se servent de la méditation pour oublier l’essentiel, et non y pénétrer d’avantage. Ce n’est rien qu’un moyen d’être performant, ou de ne plus sentir le monde pour mieux le nier, et ne pas souffrir de ses injonctions.
On me dira peut-être que le bouddhisme voulait se débarrasser des injonctions du monde. Dans ce cas, ou bien il est le premier vecteur du nihilisme, ou bien au contraire il se devait de répondre à des injonctions véritables : celles de préserver le monde, la vie et l’homme tels qu’ils sont.

vendredi 6 octobre 2017

Michel Onfray


Attention, Michel Onfray n’écrit pas ses livres. Il parle dans un dictaphone et son secrétaire recopie ses propos. Michel Onfray n’est pas un philosophe : il accumule des données et des informations qu’il répète. Attention, la philosophie n’est pas une affaire de données. Ce sont les ordinateurs qui accumulent des données. Le fait qu’il subsiste de données le rend inintéressant. Car le propre des données est qu’on ne peut toutes les accumuler. Par conséquent la philosophie de Michel Onfray est inutile. Elle n’est qu’un galimatias de données inconsistantes enregistrées sur un dictaphone et orientées par une pensée abrutie par ces mêmes données. Michel Onfray manquera toujours de données, et ne se contentera jamais de la philosophie qui n’est pas une affaire de données. Un seul exemple : il dit que les cyniques pratiquaient l’amour libre. Mais il lui manque la donnée suivante : tout cela n’avait rien à voir avec la philosophie de Diogène, qui en quelque sorte, était une ascèse. Le manque de données à une philosophie basée exclusivement sur des données ne mérite pas d’être lue.

vendredi 15 septembre 2017

Deleuze


Deleuze prétend déceler la singularité en entrant dans le « différentiel », la question perpétuelle, qu’il nomme lui même éminemment virtuelle. Or c’est là tout l’inverse de la singularité. Celle-ci étant une relation stricte avec le monde, mais tout en restant humaine, c’est à dire avec les ressources du multiple. Deleuze en fin de compte, s’enlise dans une pensée plane qu'il prétend être singulière. La singularité, c’est Baudelaire, c’est Lautréamont, c’est Corbière ou qui sais-je, c’est une relation altérée d’avec le vrai dans son ensemble, tout en ayant conscience de son erreur tapie, mais en explorant le monde avec une pensée forte, et c’est de là que nait l’émotion, la construction, la création. Le monde ne serait pas ce qu’il est sans la création, sans l’erreur, et Deleuze n’aurait rien à penser si jamais personne ne s’était engouffré dans ces voies. Ces voies sont l’histoire et en fin de compte, l’histoire recèle toute la vérité, l’histoire sous toutes ses formes, de l’antiquité à nos jours.

mardi 12 septembre 2017

Deleuze


On voit bien dans les divers propos de Gilles Deleuze, que ce prétendu affranchissement des présupposés n’amène en rien à la liberté totale. Ce n’est qu’un vague apprentissage de déconstruction de la pensée. Ce genre d’appareil d’analyse est selon moi, l’opposé de la pensée de Nietzsche qui est une pensée forte et non recluse dans des féminités qui n’en sont pas. En supprimant les présupposés, vous supprimez et la culture, et le bonheur qui en émane. Vous entrez dans un bordel féminisé ennemi de la joie. En dissipant la culture, la pensée, vous enlevez cette surface miroitante propre à toute pensée, qui est vrai bonheur. Vous supprimez à peu près tout ce qui fait le charme de la pensée : la force et la conviction. Mais vous n’entrez pas dans une faiblesse sensible pour autant. Au contraire, vous l’assassinez, vous l'assainissez. La seule chose qui vous reste est une sorte de bourgeoisie obsolète qui tourne sur elle-même, et supprime la possibilité de culture et de création.

Attali


Les nantis incitent tout le monde à se dépasser, à se réaliser. Or pas tout le monde ne veut se réaliser. C’est un des principes de la réalisation que tout le monde ne se réalise pas. Et c’est là la volonté de la majeure partie des gens, de ne pas se réaliser. Car ce qu’ils veulent, c’est une sorte de résignation spirituelle, comme des figurants d’un tableau de Bruegel. Les choses sont très bien ainsi. Malheureusement, ces mêmes nantis, par le système libéral qu’ils prévalent pour que tout le monde se réalise, créent les conditions de l’échec, de l’inégalité, du chômage, de la dépression. Par leur moi exacerbé comme une outre, ils sont en réalité les garants de la déshumanisation du monde.

Jalousie


Je crois que tout simplement, c’est nous qui sommes responsables du nihilisme et de l’ignorance des jeunes d’aujourd’hui. Cela se répète tout le temps, mais cela atteint un seuil. Le fond de ma pensée est qu’ils ne sont en rien responsables de leur malheur, mais que c’est que nous, gâtés par l’âge qui nous a ôté l’amour et l’espoir, nous nous efforçons à ce qu’il n’advienne pas chez les jeunes, en les privant de tout notre savoir et notre expérience. Ainsi, en nous plaignant de leur ignorance, nous jouissons de ce qu’ils ne touchent jamais l’amour, ni rien de ce que nous avons vécu. N’est-ce pas là le principe de la jalousie ?

dimanche 10 septembre 2017

Âme


Plotin, philosophe de l’antiquité grecque faisait partie de cette tradition première de la division entre l’âme et le corps. Cependant, il apparaît qu’elle n’est pas si évidente. Plotin explique que les formes physiques et sensibles peuvent se concilier avec l’âme. Ou plutôt, qu’un esprit avisé voit dans ces formes l’âme qui est derrière, sans aucun intercesseur. Cette fusion entre de ces deux entités est de ce fait toute proche de la philosophie nietzschéenne, qui se garde de marquer une division entre elles, et voit le domaine purement spirituel, détaché du corps, comme un arrière monde. Ne nous trompons donc pas sur les anciens, ils étaient, à leur manière, des précurseurs du sentiment moderne du vivant.

Révolutions

Hannah Arendt écrit, dans la partie De l’autorité de son essai Crise de la culture, que les révolutions s’orientent vers un regain d’autorité, elle-même issue de la fondation de Rome et de l’orientation des anciens vers le passé comme vecteur d’autorité. Or toutes les révolutions ne sont pas orientées vers le passé, l’acte de la fondation. Certaines révolutions ultérieures ont eu un caractère d’avantage rimbaldien. Rimbaud en effet, « fondait » son désir de révolution, ou plutôt l’orientait vers l’avenir. C’est ainsi que les fondations ont volé en éclats, et se sont dissoutes en quelque chose d’imperceptible, et disons, d’inavouable. Aucun de ces nouveaux révolutionnaires n’a pu expliquer sereinement ce qui l’habitait, ni former un concept clair. Mais surtout est apparue une méfiance envers l’idée de révolution d’un nouvel ordre : celle du caractère euphorique et infantile des révolutionnaires.

jeudi 17 août 2017

Quelques notions sur la fin du monde


Quand il n’y aura plus de guerres, de violence, de misère, il n’y aura certainement pas plus de haine. La haine va enfler comme une baudruche et exploser. Mais comme il n’y aura plus de guerres, la haine va muter en quelque chose de bien pire, appuyée par les nouvelles mesures technologiques. Ce sera, pour un ainsi dire, le néant parfait, le parfait nihilisme.

De joyeux progressistes nous expliquent sourire aux lèvres, en s’appuyant sur la misère qu’ils génèrent, que le monde va devenir beau et heureux. Ils espèrent au fond d’eux-mêmes que les réactionnaires, les grincheux et les fachos ne seront pas remplacés par les générations futures, et que tôt ou tard, il n’y aura plus que des progressistes en ce monde qui réaliseront leur espoir et leur règne. Je doute pourtant que cette étroitesse d’esprit n’accouche d’un bébé bien plus douteux que celui des guerres qui n’a jamais généré qu’une lente reconstruction.

dimanche 2 juillet 2017

Sade


Sade ne pose que la question du désir et de la jouissance, sans se soucier du principal apport civilisationnel, qui pourtant lui a permis de justifier son entreprise : le sentiment. Cet apport là, cet être à part entière, ne nous différencie pas forcément des animaux pour autant. Car l’affectivité est le signe de la vie, sa condition. Rien de ce qui oblige l’homme à la démesure n’est rationnel, mais la nature l’est. La nature est un creuset où l’homme ou l’animal tentent de s’affranchir de leur condition purement primale. La nature les incite à se dépasser, et cette forme de survie est un apaisement de la pulsion, une manière de réfréner les désirs selon une satiété supérieure, transcendante. Cette satiété là, précisément, annule toute la conscience solitaire de Sade, qui n’est qu’un dérèglement face à l’infini qu’il a ouvert.
L’infini à vrai dire, n’a pas sa place dans une manière de réduction de la vie à une seule de ses possibilités.



Le pauvre Sade avait l’éjaculation douloureuse, ce qui fait qu’au lieu d’avoir un bel orgasme il éprouvait une forte douleur. Que l’impossibilité de jouir substituée à une douleur épouvantable est été le lot de Sade explique bien des choses.



Ah qu’on me dise que je ne suis pas apte à parler de l’éjaculation douloureuse de Sade parce que je n’y connais rien ! Mais messieurs l’éjaculation se fait indifféremment à un, deux ou plusieurs. Ce n’est toujours que le même principe. Qu’une main agite le sexe ou que ce soit le vagin d’une femme, le résultat est le même. D’un point de vue purement bouddhique, il n’y a là aucune différence. Je serais même tenté de dire que les moyens de la solitude sont toujours les meilleurs, et la finalité incomparable. Jouissez sans entrave disent certains : je ne fais que cela moi, jouir sans entrave, libéré des contraintes et artifices sociaux, des croyances communes, comme le divin Diogène, remportant la victoire sur tout, vraiment libre.


On nous pose la question de l’immanence et de la transcendance, mais chaque homme est fait de ces deux choses. Et personne, quelques soient ses prétentions, ne serait en mesure de savoir de quel côté il penche. Les cas sont souvent contraires : l’immanent est dans une bulle où il croit connaître la vie et ses passions, et le transcendant a des tendances purement animales.